Gérer les râleurs dans l’équipe
On peut avoir de bonnes raisons de râler. Mais quand cette attitude devient une habitude, que ce soit chez un salarié ou le manager lui-même, elle empoisonne la vie d’une équipe. Un recadrage s’impose… en douceur.
25 Février 2017 – CHLOÉ DEVIS
Râler, une spécialité bien française, souvent décriée, mais pas dénuée d’avantages : cette façon d’« évacuer les émotions négatives » réduirait les risques de maladies cardiovasculaires, selon une étude médicale allemande citée par Gilles Dufour, fondateur de Be&Lead. Et un collectif peut aussi en tirer profit : pour le coach Frédéric Adida, « le pessimiste invétéré fait preuve de davantage de discernement, ce qui peut aider l’entreprise à éviter des écueils ». Reste que certaines postures systématiquement négatives peuvent rapidement nuire à l’ambiance de travail, avec des risques collatéraux sur l’image de l’officine.
Identifier le profil DU MANAGER-RÂLEUR ?
« Le râleur qui, tel le fou du roi, exprime tout haut ce que les autres n’osent pas dire, peut jouer le rôle de soupape pour l’équipe, note Gilles Dufour. Il reste impliqué dans son travail et préoccupé par la réussite de l’entreprise ». C’est aussi le cas de celui, qui, parce qu’il traverse des difficultés dans sa vie privée, va choisir ce mode de communication à défaut de pouvoir exprimer directement son mal-être. En revanche, il existe un autre type de râleur dont les récriminations systématiques sont le corollaire de son désinvestissement professionnel. Enfin, il y a « l’éternelle victime » : «A la différence du précédent, ce râleur-là n’est pas démotivé, mais il a le sentiment que le monde entier lui en veut, ce qui en fait un profil complexe à appréhender en termes de management ».
Définir un seuil d’intervention
Pour Gilles Dufour, « fixer le curseur de l’acceptable est un principe valable quelque soit la catégorie à laquelle on a affaire ». Si la limite est dépassée, « il faut dire stop sans attendre », prône t-il. En effet, « que vous soyez le collègue ou le manager, vous n’êtes pas payé pour subir ces râleries », rappelle Gilles Dufour. Par ailleurs, l’effet de contagion peut être destructeur pour l’esprit d’équipe : « Il faut prendre garde à ce que cette attitude ne s’installe pas au sein de binômes ou de petits groupes qui profitent de leurs pauses pour parler dans leur coin, car il devient ensuite très difficile d’y remédier ».
Faire place à l’écoute active
Le râleur, bien souvent, s’ignore en tant que tel. Dans un premier temps, il s’agit donc de privilégier l’écoute. « Le laisser vider son sac lui offrira un début de soulagement et vous assurera une certaine reconnaissance de sa part », note Frédéric Adida. De plus, lui donner au moins en partie raison est une façon de « prendre un peu de sa colère ». Mais cet échange doit aussi permettre de dégager le véritable message du râleur. « Les récriminations peuvent être fondées, par exemple un mal de dos récurrent lié au port de charges lourdes », note Gilles Dufour. Dans ce cas, il s’agit d’en prendre note en vue de traiter le problème. Parfois, « l’enjeu de la plainte est déplacé sur des motifs accessoires, notamment en cas de difficultés personnelles ». Dans ce cas, il ne s’agit pas de connaître à tout prix la nature du problème mais de faire preuve d’empathie et de proposer une aide, un aménagement des horaires par exemple.
Miser sur une communication renforcée.
En revanche, aux râleurs chroniques, il s’agit de faire comprendre que ce mode de communication est inefficace pour faire changer les choses. Mais leur demander d’arrêter ne suffira pas ! «Une mauvaise habitude de communication demande 3 à 5 mois pour être modifiée », assure Gilles Dufour. Au manager de fixer un objectif avec le salarié concerné et de prévoir des points hebdomadaires en tête-à-tête. C’est aussi l’occasion de souligner les avancées, une façon de répondre au besoin de reconnaissance du râleur. «Une formation à la communication non violente peut être une bonne idée », ajoute le consultant. Quant aux râleurs « victimes », ils « doivent être amenés, éventuellement avec l’aide d’un tiers, à reconnaître leur coresponsabilité dans ce qui leur arrive et à mettre en place des actions pour que leur situation s’améliore », souligne Gilles Dufour.
QUID DU MANAGER-RÂLEUR ?
« Les mêmes techniques s’appliquent, mais en plus soft ». Autrement dit, gare à l’ego du boss ! Préférez un moment informel, à l’écart du reste de l’équipe, pour lui parler de son comportement : « Ces derniers temps, je trouve que votre manière de communiquer est un peu rude… ». « Si le titulaire est à l’écoute, vous pouvez aller plus loin en évoquant l’impact négatif de son attitude sur des éléments qui lui tiennent à coeur, qu’il s’agisse de l’ambiance de travail, la relation client, le ‘business’… », invite Gilles Dufour. « Dans le cas contraire, n’hésitez pas à rétropédaler : ce n’est pas le bon moment ».